Si historiquement le terme récolement appartient au monde juridique, il recouvre une dimension plus spécifique dans le monde de l’archivage et des collectivités publiques aujourd’hui.
Issu du latin « recolere », qui signifie passer en revue, le mot récolement a été utilisé dès 1389 dans le sens de « dénombrement réalisé par un fonctionnaire ». En 1481, il est défini de manière plus précise comme étant « une action par laquelle on récole des témoins ». Le Dictionnaire de l’Académie française mentionne une définition précise : « Action de lire à des témoins qui ont été entendus dans une procédure criminelle la déposition qu’ils ont faite, pour voir s’ils y persistent ».
De Montesquieu à Voltaire
C’est d’ailleurs dans cette optique que Montesquieu l’emploie 200 ans plus tard dans De l’Esprit des Lois (Livre 28) : « Tout était public ; tout devint caché, les interrogatoires, les informations, le récolement, la confrontation, les conclusions de la partie publique, et c’est l’usage d’aujourd’hui ».
L’autre grande Lumière de cette époque, Voltaire, s’empare aussi du terme dans son Dictionnaire philosophique pour la définition du terme « criminel » : « Ces témoins sont entendus une seconde fois, toujours en secret, ce qui s’appelle récolement ; et, si, après le récolement, ils se rétractent de leurs dépositions, ou s’ils les changent dans des circonstances essentielles, ils sont punis comme faux témoins ».
Des Eaux et forêts aux experts en alcools forts
Mais en 1690, le mot récolement est utilisé dans un autre sens, celui de « comparaison de l’état réel des meubles inventoriés dans les déclarations portées sur l’inventaire », selon Antoine Furetière, poète et lexicographe de l’époque. Le substantif entre dans la langue de l’administration des Eaux et forêts comme « procès-verbal de visite que font les agents de l’administration forestière, pour vérifier si une coupe de bois a été faite conformément aux ordonnances ». Le milieu de la construction l’emploie aussi comme étant « la constatation de l’alignement fixé par l’administration dans une construction neuve ».
En 1913, l’auteur Charles Péguy reprend le mot de vocabulaire alors utilisé par les bibliothécaires, qui se sont emparés du terme, comme « la vérification qu’on fait dans une bibliothèque pour s’assurer que tous les ouvrages sont bien en place ». Dans son livre Eve, il écrit : « Et ce n’est pas des planches de bibliothèques Qui trembleront pour nous le jour de la colère. Et des récolements et des pinacothèques Le jour du règlement et le jour du salaire ».
Autre domaine et autre époque. En 1936, les experts en alcools forts se l’approprient aussi pour qualifier « la détermination de la quantité d’alcool que renferment les spiritueux représentés par un bouilleur ».
Une obligation réglementaire
Aujourd’hui, le mot « récolement » d’archives se définit comme une liste topographique des archives conservées dans un local ou un bâtiment et permettant d’en effectuer le pointage physique. Cette opération permet de dénombrer un ensemble répertorié dans un inventaire et d’en vérifier la conformité.
Le récolement est obligatoire dans les collections publiques, par exemple pour les archives municipales à l’occasion de chaque mandat, pour les archives départementales à chaque changement de direction ou encore dans les musées.
La loi de 2002 relative aux musées de France réglemente le récolement dans les musées. Ceux labellisés « Musées de France » y sont soumis tous les dix ans. Un travail de longue haleine qui permet de vérifier de façon systématique toutes les œuvres conservées par les musées, qu’elles soient visibles par le public dans les salles permanentes ou en réserves. Le premier récolement des musées de France s’est achevé le 31 décembre 2015.